Maroc – Affaire Jacques Bouthier : des responsables du groupe français Vilavi arrêtés à Tanger

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Jacques Bouthier, le roi déchu des assurances, ex-fondateur du groupe Assu 2000 (aujourd’hui Vilavi), est mis en examen à Paris depuis le 21 mai pour « traite d’êtres humains » et « viols sur mineurs ». Si l’affaire a éclaté dans l’Hexagone après une plainte déposée par une jeune femme d’origine marocaine, les médias – dont Jeune Afrique – ont notamment révélé comment Tanger, où Jacques Bouthier a délocalisé une partie de ses activités depuis 2009, était au cœur de son système de prédation.

Alors que l’instruction suit son cours en France, de l’autre côté de la Méditerranée, les autorités marocaines ont elles aussi pris les choses en main. Le 5 juillet, le parquet de Tanger a mis six personnes en examen, dont cinq ont été placées en détention provisoire. Ces individus, qui risquent des poursuites pour « traite d’êtres humains », « harcèlement sexuel », « atteinte à la pudeur », « violences verbales et psychiques », occupent tous des postes de responsables au sein de l’antenne tangéroise du groupe Vilavi.

Six plaintes contre douze salariés

Tout a commencé un mois plus tôt, le 5 juin, lorsque l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV) a lancé un appel aux victimes afin d’engager une action en justice au Maroc contre Jacques Bouthier. Six jeunes femmes ont décidé de déposer plainte contre le patron français et 12 salariés du groupe Vilavi.

« De très nombreuses personnes, notamment des anciens salariés, ont été entendues par la police de Tanger », souligne Marouane Bahajine, un ex-salarié du groupe, qui a dénoncé des faits de harcèlement dans les colonnes de Jeune Afrique. « Je suis de très près l’affaire et je suis proche des plaignantes », poursuit-il.

« Avec l’AMDV, nous avons fait une première conférence de presse il y a quelques semaines afin de communiquer sur nos actions. Dès lors, trois plaignantes et moi-même avons subi des menaces de la part de salariés du groupe : raids sur les réseaux sociaux, chantage, appels masqués.

Des responsables ont même tenté de soudoyer l’amie de l’une des plaignantes : ils lui ont proposé un bon poste dans le groupe si elle témoignait contre sa camarade. Depuis que cinq personnes ont été placées en détention, les choses se sont enfin calmées », souffle-t-il.

Stratagème et coup de filet

Si l’enquête de l’instruction est placée sous le sceau du secret, Jeune Afrique a pu prendre connaissance de plusieurs éléments du dossier. Les cinq personnes actuellement placées en détention provisoire – Rachid M., Yassin B., Imane B., Driss B. et une certaine Loubna (dont le nom demeure inconnu) – sont tous « des responsables du groupe, qui ont été complices des agissements de Jacques Bouthier et/ou les ont couverts en réduisant les filles au silence », affirme un ex-salarié entendu par la police.

Au fil de l’enquête de police, les témoignages, les conversations échangées par SMS ou via les réseaux sociaux, indiquent que Jacques Bouthier n’aurait pas été le seul à harceler ses salariées et à les exploiter sexuellement.

Un autre personnage ressort particulièrement : Amir Messadi, directeur général de Vilavi, qui a connu une ascension fulgurante, « voire suspecte » selon plusieurs anciens salariés, au sein du groupe. Alors qu’il fait l’objet d’une plainte et qu’il est frappé d’une interdiction de quitter le territoire marocain, ce dernier est actuellement en fuite.

Tout comme Jacques Bouthier, l’ex-directeur général aurait profité de son statut et de la précarité de ses salariées pour obtenir des faveurs sexuelles, parfois en échange d’argent, d’une promotion ou autres avantages.

L’enquête indique également que la dénommée Loubna, déjà dénoncée par des dizaines d’ex-salariés, aurait joué le rôle d’entremetteuse entre ses supérieurs hiérarchiques et les femmes employées par le groupe. « C’est aussi elle qui réservait les chambres d’hôtel pour qu’ils s’adonnent à leurs ébats », selon un ex-salarié entendu par la police.

Fin juin, celle-ci a même été jusqu’à donner rendez-vous à l’une des plaignantes. « Elle lui a proposé, au nom d’Amir Messadi, une somme de 10 000 dirhams (967 euros) puis une rente illimitée de 8 000 dirhams par mois si elle retirait sa plainte », raconte une ex-salariée du groupe. « Sauf que la police, qui avait utilisé la plaignante comme appât, a débarqué et a arrêté Loubna, ainsi que son mari qui était présent. C’est d’ailleurs lui qui a été remis en liberté provisoire. »

« Sauve qui peut »

Dans cette sordide affaire, d’autres rebondissements sont attendus. D’abord, plusieurs personnes actuellement employées dans le groupe Vilavi souhaitent elles aussi livrer leurs témoignages. « L’AMDV cherche le moyen de préserver leur anonymat », confie Marouane Bahajine.

Surtout, sur les cinq responsables toujours actifs au sein de la filiale marocaine du groupe, trois (deux Français et un Franco-marocain) risquent au minimum d’être convoqués par la police, voire d’être eux-mêmes arrêtés. Pour l’instant, ils ont interdiction de quitter le territoire marocain.

En interne, l’ambiance est donc à la fébrilité. Le siège social, situé en France, à Noisy-le-Secn a mandaté le cabinet de conseil Mazars afin d’effectuer un audit indépendant à Tanger, notamment pour évaluer le « climat social » de la filiale marocaine.

En attendant les suites de l’affaire, l’AMDV devrait tenir une conférence de presse ce 16 juillet à Tanger, en présence de plusieurs plaignantes et témoins. Du côté français, où l’instruction concernant la « traite d’êtres humains » et les « viols sur mineurs » suit son cours. Le parquet aurait également ouvert une enquête sur des faits de « harcèlement sexuel » commis par Jacques Bouthier sur une ex-salariée marocaine. D’autres plaintes pourraient suivre dans les prochains jours.



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